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Le Projet d'ANI Sur Le Partage De La Valeur Salue Par Le Gouvernement

28 février 2023

A l’heure où le pouvoir d’achat est un élément central et brûlant des débats, syndicats et patronat se sont entendus sur un projet d’accord visant à permettre un plus grand partage de la valeur avec les salariés. Le projet d’accord a déjà été signé par la majorité des organisations syndicales (OS). Il emporte également l’adhésion du gouvernement qui, à travers la voix de sa Première Ministre, s’est engagé à en proposer « une transcription fidèle et totale dans la loi ». Il contient deux mesures phares : (1) la généralisation du partage de la valeur dans les entreprises de moins de 50 salariés ; et (2) l’obligation de négocier sur le partage de la valeur en cas de résultats exceptionnels.

GÉNÉRALISATION DU PARTAGE DE LA VALEUR DANS LES ENTREPRISES DE MOINS DE 50 SALARIÉS

Selon le projet actuel, les entreprises de moins de 50 salariés devront, à compter du 1er janvier 2025, mettre en place au moins un dispositif de partage de la valeur (participation, intéressement, prime de partage de la valeur (PPV), etc.) si elles :

  • sont constituées sous forme de société commerciales ;
  • réalisent un bénéfice net fiscal positif au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant trois années consécutives ;
  • ne sont pas déjà couvertes par un dispositif de partage de la valeur, à l'exception de la PPV, au moment où elles réalisent le bénéfice net fiscal mentionné ci-dessus.

Le projet actuel vise également à faciliter la mise en place de la participation dans les entreprises de moins de 50 salariés :

  • en imposant à chaque branche professionnelle l'ouverture d'une négociation, avant le 30 juin 2024, pour mettre à disposition des entreprises un dispositif de participation facultatif dont la formule pourrait déroger à la formule légale dans un sens favorable comme défavorable aux salariés ;
  • en permettant la mise en place au niveau de l’entreprise de la participation (1) par accord ou par décision unilatérale de l’employeur (DUE) lorsque la formule retenue est celle négociée au niveau de la branche ; et (2) par accord seulement dans les autres cas.

L'ensemble de ces dispositions seraient applicables à titre expérimental pour une durée de cinq ans.

OBLIGATION DE NÉGOCIER SUR LE PARTAGE DE LA VALEUR EN CAS DE RÉSULTATS EXCEPTIONNELS

Les entreprises de 50 salariés et plus pourvues d'au moins un délégué syndical (DS) et soumises à l'obligation de mettre en place la participation, seront, selon le projet actuel, tenues de négocier avec les syndicats lorsqu'elles réalisent, en France, un résultat exceptionnel. L’obligation de négocier porte sur :

  • le versement automatique d'un supplément de participation ou d'intéressement dont les modalités seraient définies par accord ; ou
  • le renvoi à une nouvelle discussion sur le versement d'un dispositif de partage de la valeur.

Cette négociation aurait lieu dans le cadre de celle engagée avec les organisations syndicales (OS) sur la participation et/ou l'intéressement, avec pour objectif d'y intégrer une clause spécifique.

Par exception, cette obligation de négociation ne serait pas applicable aux entreprises ayant mis en place une formule dérogatoire de participation plus favorable que la formule légale, et/ou un accord de participation ou d'intéressement intégrant une clause spécifique de prise en compte des résultats exceptionnels.

AUTRES MESURES SUR LES DISPOSITIF DE LA VALEUR

Outre les deux mesures principales mentionnées ci-dessus, il existe plusieurs mesures secondaires destinées à encourager la mise en œuvre de dispositifs de partage de la valeur :

  • Aménagement des règles de franchissement du seuil de 50 salariés pour la mise en place obligatoire de la participation (à détailler).
  • Suppression de la règle reportant de six ans l'obligation de mettre en place la participation en présence d'un accord d'intéressement.
  • Pas de changement de la règle selon laquelle l'effectif de l'entreprise doit avoir été supérieur à 50 salariés chaque année sur cinq ans consécutifs, pourtant critiquée par plusieurs OS.
  • Concernant la PPV, il est envisagé :
    • d'ouvrir la possibilité de la placer dans un plan d’épargne en entreprise (PEE) ou plan d’épargne retraite (PER), avec un abondement possible de l'employeur ;
    • de permettre d'octroyer un maximum de deux PPV chaque année dans la limite du plafond et du nombre de versements actuellement prévus [1] ;
    • de maintenir, à compter du 1er janvier 2024, le régime fiscal et social favorable en vigueur au 1er janvier 2023 [2] (alors que l’exonération d’impôt sur le revenu doit disparaître pour l’année 2024).

MISE EN LUMIÈRE DU PARTAGE DE LA VALEUR

Pour faciliter une approche commune entre employeurs et salariés, le projet d’ANI rappelle quelques principes sur lesquels les partenaires sociaux peuvent s'accorder en amont :

  • Le principe de non-substitution entre salaires et dispositifs existants (intéressement, participation, PPV) constituerait une règle « structurante ».
  • Le partage de la valeur dans l'entreprise pourrait également se concrétiser par l'attribution d'accessoires de salaires (titres-restaurants, chèques vacances, Cesu préfinancés, bons cadeaux divers, etc.) mis en place et financés par l'entreprise.

DÉVELOPPEMENT ET SÉCURISATION DE L'ACTIONNARIAT SALARIÉ

Afin de développer et sécuriser l'actionnariat salarié existant, le projet d'ANI propose notamment de :

  • faciliter l'accès des salariés actionnaires à l'information sur leur exposition au risque financier, sans créer de nouvelle obligation de conseil ;
  • augmenter le plafond global d'attribution d'actions gratuites à 40 % du total du capital de l'entreprise (au lieu de 30 % aujourd'hui) ;
  • rendre neutre fiscalement, pour les salariés actionnaires, l'apport d'actions à une société, le paiement d'impôt n’intervenant qu'au moment de la cession des actions ;
  • de manière générale, éviter une imposition excessive des actionnaires salariés ;
  • garantir le droit à la formation économique, financière et juridique des salariés administrateurs des Sicav d'actionnariat salarié et conseils de surveillance des fonds communs de placement.

Pour les entreprises qui ne mettent pas en place l'actionnariat salarié, le texte propose la création d'un nouveau dispositif, facultatif et ouvert aux entreprises et aux groupes de toute taille : un « plan de partage de la valorisation de l'entreprise » qui serait mis en place par accord collectif et bénéficierait à l'ensemble des salariés ayant au moins un an d'ancienneté [3] .

AMÉLIORATION DES DISPOSITIFS D'ÉPARGNE SALARIALE

Le texte propose :

  • trois nouveaux cas de déblocage anticipé de la participation et de l’intéressement : (i) les dépenses liées à la rénovation énergétique des résidences principales, (ii) celles engagées en tant que proche aidant sous réserve de fournir les justificatifs, et (iii) celles engagées pour l'acquisition d'un véhicule dit « propre », neuf ou d'occasion ;
  • permettre à l'employeur de verser un abondement unilatéral au PEE ou au PER déplafonné à hauteur de la PPV ;
  • obliger les gestionnaires de fonds de proposer systématiquement dans les PEE et les PER en comptes titres au moins deux fonds qui prennent en compte des critères extra-financiers ;
  • demander à l'État d'organiser une campagne nationale de communication pour diffuser une information simple et lisible sur les dispositifs d'épargne salariale.

ORGANISATIONS SYNDICALES SATISFAITES, À L'EXCEPTION DE LA CGT

A ce jour ont signé : côté salariés la CFDT, la CFTC, FO et côté employeur le MEDEF, la confédération des PME et l’union des entreprises de proximité.

La CGT.et la CFE-CGC n’ont pas encore communiqué leur position et devraient le faire courant semaine prochaine.

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[1] Prime exonérée de cotisations sociales dans la limite de €3,000 par an, portée à €6,000 dans les cas d’une signature d’un accord d’intéressement, versement par un organisme d’intérêt général ou versement aux travailleurs handicapés relevant d’un ESAT et pouvant être payée en plusieurs versements sans dépasser la limite d’un versement par trimestre.

[2] Au 1er janvier 2023, la PPV bénéficiait, dans la limite des montants mentionnés ci-dessus, d’une exonération de cotisations sociales. Les salariés gagnant jusqu'à trois fois le SMIC bénéficiaient, en plus, d'une exonération d'impôt sur le revenu.

[3] Le salarié se verrait verser un montant correspondant au “pourcentage de valorisation de l’entreprise appliqué à un montant indicatif”