La pandémie de coronavirus (COVID-19) en France a donné lieu à des mesures d'interdiction et de restriction des déplacements, y compris la mise en quarantaine des personnes. Ces mesures ont perturbé les chaînes d'approvisionnement et les activités de nombreuses entreprises, notamment par la fermeture d'usines et de commerces. Dans un contexte d'incertitude permanente, les parties chercheront probablement à invoquer des dispositions contractuelles relatives à la force majeure pour éviter toute responsabilité ou pénalité en cas d'inexécution. La présente analyse prend en compte la jurisprudence française récente liée au COVID-19 en rapport avec la crise actuelle, ce qui permet d'avoir une idée plus claire et plus précise des circonstances de force majeure actuelles.
Les dispositions relatives à la force majeure fonctionnent comme un mécanisme de répartition des risques visant à encadrer les situations qui échappent au contrôle des parties, telles que le déclenchement d'une guerre ou les catastrophes naturelles.
En règle générale, dans de tels cas, une clause de force majeure permet de suspendre ou de résilier le contrat et d'éviter qu'une partie ne soit tenue responsable de son inexécution.
La force majeure est définie à l'article 1218 alinéa 1 du Code civil qui dispose que :
«Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur ».
Tout événement qui empêche une partie à un contrat d'exécuter ses obligations peut donc être qualifié de force majeure dès lors qu'il présente les trois caractéristiques suivantes :
La partie souhaitant invoquer la force majeure (en principe la partie qui n'exécute pas le contrat) doit apporter la preuve que ces conditions sont remplies.[1] Cette partie devra généralement démontrer un lien de causalité entre le cas de force majeure et l'inexécution des obligations contractuelles.
La question de savoir si la pandémie de COVID-19 constitue un cas de force majeure dépend de la rédaction exacte et de la portée de la disposition relative à la force majeure dans un contrat.
En effet, les dispositions relatives à la force majeure n'étant pas d'ordre public, la définition ou les effets de la force majeure peuvent faire l'objet d'aménagements contractuels. Par conséquent, les parties à un contrat sont libres de supprimer le caractère exonératoire de la force majeure (par exemple, par le biais d'une clause de garantie) ou d'inclure dans leur contrat des clauses contenant une définition plus large de la force majeure.[2]
Voici certains éléments à prendre en compte lors de l'examen d'une disposition relative à la force majeure :
Toutefois, en théorie, l'application de la force majeure sera toujours laissée à l’appréciation du juge français (si les parties saisissent le tribunal en ce sens). Le juge déterminera si la pandémie de coronavirus constitue un cas de force majeure sur la base des faits de chaque espèce, et notamment en ce qui concerne la possibilité de mettre en œuvre des mesures appropriées pour éviter tout effet défavorable sur l'exécution du contrat (par exemple, le recours à d'autres sources d'approvisionnement, la production sur d'autres sites).
Si cette qualification était retenue, ce qui devient chaque jour plus vraisemblable compte tenu de l'évolution rapide des décisions gouvernementales et de la jurisprudence déjà disponible (voir ci-dessus la décision de la Cour de Colmar), elle aurait les conséquences suivantes :
En effet, l'article 1351 du Code civil prévoit que « l'impossibilité d'exécuter la prestation libère le débiteur à due concurrence lorsqu'elle procède d'un cas de force majeure et qu'elle est définitive, à moins qu'il n'ait convenu de s'en charger ou qu'il ait été préalablement mis en demeure ».
En d'autres termes, la partie qui invoque le cas de force majeure sera libérée de ses obligations et ne pourra donc pas être tenue responsable de son manquement contractuel.
Si les parties ne peuvent invoquer la force majeure, elles peuvent envisager de se prévaloir de l'article 1195 du Code civil qui prévoit la possibilité de renégocier un contrat « si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque. »
Le terme « imprévisible » n'est utilisé que si l'exécution de l'obligation n'a pas été rendue impossible, mais seulement plus difficile par le débiteur, soit parce qu'il n'obtiendra en retour qu'une exécution dont la valeur aura été considérablement réduite, soit parce que l'exécution, bien que non impossible, nécessitera un effort plus important et un délai plus long que celui initialement prévu.
Si le COVID-19 est considéré comme « imprévisible » et si l'application de la disposition susmentionnée n'est pas exclue (ce qui est contractuellement possible), les parties peuvent toujours tenter de faire valoir cette disposition comme une alternative à la force majeure pour essayer de renégocier l'accord existant.
Avec la propagation rapide du COVID-19 et le prolongement et l'intensification des mesures gouvernementales prises pour combattre et contenir le virus, nous allons probablement voir se multiplier les cas de déclaration de force majeure par les parties.
Les entreprises affectées doivent examiner attentivement les dispositions relatives à la force majeure dans leurs contrats et en mesurer les implications si de telles dispositions doivent être invoquées. Les entreprises peuvent également envisager de rédiger leurs clauses de force majeure de manière plus étendue à l'avenir afin d'y inclure clairement les épidémies et les urgences sanitaires, sans qu'il soit nécessaire de recourir à un certificat de force majeure.
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