Le droit français est historiquement un droit très favorable à l’arbitrage, et à l’arbitrage international en particulier.
C’est dans ce contexte qu’il reconnaît, depuis plusieurs décennies, le principe d’autonomie de la sentence arbitrale. La conséquence en est que le droit français autorise la reconnaissance et l’exécution en France d'une sentence étrangère, même si celle-ci a été annulée dans son pays d’origine.
En effet, dans la célèbre affaire Hilmarton (Cass. 1re civ., 23 mars 1994, n° 92-15.137), la plus haute juridiction française, la Cour de cassation, a affirmé ce principe au motif que « la sentence rendue en Suisse était une sentence internationale qui n'était pas intégrée dans l'ordre juridique de cet Etat, de sorte que son existence demeurait établie malgré son annulation et que sa reconnaissance en France n'était pas contraire à l'ordre public international ».
En conséquence, une sentence arbitrale étrangère peut valablement être reconnue et exécutée en France malgré son annulation au siège de l’arbitrage, dès lors que les critères français pour obtenir l’exequatur sont remplis.
Cette décision constitue certainement une des décisions les plus importantes et les plus commentées de l’arbitrage international.
La Cour de cassation a confirmé ce principe, à plusieurs reprises, en particulier dans l’affaire Putrabali (Sté Putrabali Adyamulia c/ sté Rena Holding - Cass. 1re civ., 29 juin 2007, n° 05-18.053). Plus récemment, la Cour d’appel de Paris, spécialisée en arbitrage international, l’a rappelé (CA Paris, pôle 1, ch. 1, 21 mai 2019, n° 17/19850).
Ce principe jurisprudentiel incarne véritablement la conception française de l’arbitrage. La sentence arbitrale internationale existe indépendamment de tout ordre juridique : son sort ne dépend pas du lieu où elle a été rendue, puisque l’état du lieu d’exécution de la sentence est plus concerné que l’état où elle a été rendue.
Cette position est conforme à l’article VII de la Convention de New York de 1958[1]. Elle est également conforme à l’ordre public international.
En outre, ce principe garantit la pérennité de la reconnaissance, en France, de la sentence annulée à l’étranger car, une autre sentence, rendue après l’annulation de la première, dans le même litige et entre les mêmes parties, ne peut être reconnue en France sans violer l’autorité de la chose jugée attachée à l’exequatur de la première sentence (affaire Putrabali, 2ème espèce - Cass. 1re civ., 29 juin 2007, n° 06-13.293).
Cette spécificité française est donc une aubaine pour la partie au profit de laquelle la sentence a été rendue avant son annulation, dès lors que son débiteur détient des actifs en France.
Paris
Alexandre Bailly
Xavier Haranger
[1] L’article VII de la Convention de New York du 10 juin 1958, pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères, précise notamment, en son 1er paragraphe, que les dispositions de la Convention « ne privent aucune partie intéressée du droit qu'elle pourrait avoir de se prévaloir d'une sentence arbitrale de la manière et dans la mesure admise par la législation ou les traités du pays où la sentence est invoquée ».