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Nouvelles Obligations des Employeurs en France en Matière d’Emploi des Personnes Souffrant d’un Handicap

25 septembre 2019

En France, la loi du 5 septembre 2018 Avenir professionnel a modifié l’Obligation d’Emploi des Travailleurs Handicapés (OETH) avec pour objectif de la simplifier et la rendre plus efficace. En outre, la loi Avenir professionnel a révisé le régime juridique des Entreprises Adaptées (EA), renforcé le droit au télétravail des personnes handicapées et imposé la désignation d’un référent « handicap » aux entreprises d’au moins 250 salariés. Ce LawFlash rappelle que le 1er janvier 2020 est la prochaine date limite pour se conformer à certaines échéances fixées par cette loi.

En droit français, tout employeur, de droit public comme de droit privé, employant au moins 20 salariés est tenu d'employer, à plein temps ou à temps partiel, des travailleurs handicapés dans une proportion de 6 % de l'effectif total de l'entreprise.

Les établissements, ne remplissant pas (ou seulement en partie) cette obligation, doivent s'acquitter d'une contribution à l'Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion Professionnelle des Handicapés (Agefiph).

La loi Avenir professionnel de 2018 a modifié l’OETH, exigeant que les conditions suivantes soient remplies au 1er janvier 2020:

  • La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé sera attribuée de manière définitive si le handicap d’une personne est considéré irréversible[1]. Actuellement, une telle reconnaissance est accordée pour une période d’un à cinq ans.
  • Dans les entreprises à établissements multiples, l’OETH ne s’appliquera plus « établissement par établissement » mais au niveau de l’entreprise[2].
  • L’employeur ne pourra s’acquitter de son obligation d’emploi qu’en employant des bénéficiaires de l’OETH, « quelles que soient la durée et la nature de leur contrat »[3], ou en versant au fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés une contribution annuelle pour chacun des bénéficiaires de l'obligation qu'il aurait dû employer[4].
  • Les dispositifs actuels de minoration du nombre de travailleurs handicapés manquants « au titre des efforts consentis par l’employeur en matière de maintien dans l’emploi ou de recrutement direct de bénéficiaires de l’obligation d’emploi » seront supprimés[5].
  • Les entreprises d’au moins 250 salariés doivent désigner un référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les personnes handicapées. Ce poste est ouvert à tout salarié volontaire, qui pourra suivre une formation de trois jours Référent Handicap, proposée par l’association OETH et en partenariat avec les Cap Emploi.
  • La déclaration de performance extra-financière («reporting extra-financier»), introduite par le l’ordonnance n° 2017-1180 du 19 juillet 2017 et remplaçant le rapport RSE, doit comprendre les mesures prises par l’entreprise en faveur des personnes handicapées. Les sociétés concernées par cette déclaration sont:
    • les sociétés cotées dès lors que le chiffre d’affaires net dépasse 40 millions d’euros ou que le total bilan dépasse 20 millions d’euros et dont le nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice est supérieur à 500;
    • les sociétés non cotées dès lors que le total bilan ou le chiffre d’affaires net dépasse 100 millions d’euros et dont le nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice est supérieur à 500.

Enfin, depuis le 1er janvier 2019 et jusqu’au 31 décembre 2021, un nouveau motif de recours à l’intérim est expérimenté: le fait que le salarié intérimaire soit bénéficiaire de l’OETH. Le gouvernement présentera au Parlement un rapport sur l’impact de cette expérimentation quant à l’accès à l’emploi des personnes handicapées au plus tard le 30 juin 2021.

Les nouveautés de 2019

Le 27 mai 2019, le gouvernement a publié trois décrets concernant:

  • la déclaration obligatoire;
  • les accords agréés; et
  • le calcul de la contribution financière.

Ces décrets entreront en vigueur le 1er janvier 2020.

Déclaration Obligatoire

Tout employeur, même de moins de 20 salariés, devra, dès 2020, identifier chaque mois, dans sa DSN, les informations relatives aux bénéficiaires de l’OETH qu’il emploie[6].

En outre, la Déclaration Obligatoire d’Emploi des Travailleurs Handicapés (DOETH) sera, à compter de l’année 2021, établie via la DSN par les établissements d’au moins 20 salariés. Pour rappel, les informations contenues dans cette déclaration sont confidentielles et ne peuvent être communiquées à un autre employeur auprès duquel un bénéficiaire de l’OETH sollicite un emploi[7].

Cette déclaration, à l’exclusion de la liste nominative des bénéficiaires de l’OETH, sera mise à disposition du Comité Social et économique (CSE) dans la Base de Données Economiques et Sociales (BDES) en vue de la consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise.

L’article R. 130-1 du Code de la sécurité sociale, qui dispose que «l'effectif salarié annuel de l'employeur, […] correspond à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l'année civile précédente» permet de déterminer l’effectif annuel à prendre en compte pour l’assujettissement à l’OETH, ainsi que le nombre de bénéficiaires de l’OETH dans l’entreprise.

Quelles que soient la durée et la nature de leur contrat, les salariés, les stagiaires, les personnes en période de mise en situation en milieu professionnel, les intérimaires et les personnes mises à disposition par des groupements d’employeurs devront être pris en compte pour déterminer le nombre de salariés.

Il est important de noter que le Code du travail prévoit que pour chaque bénéficiaire de l’OETH âgé d’au moins 50 ans, le nombre de travailleur handicapé pris en compte sera égal à 1,5 et non à 1[8].

Ces calculs seront effectués par l’Urssaf compétente, au moyen des informations transmises par l’employeur dans la DSN.

L’Application d’un Accord Agréé

Un accord d’entreprise, de groupe ou de branche organisant le respect de l’OETH peut être agréé par l’administration pour une période de trois ans renouvelable une fois etdoit alors comprendre

  • un programme pluriannuel comportant un plan d’embauches;
  • un plan de maintien dans l’emploi dans l’entreprise assortis d’objectifs; et
  • un financement prévisionnel des actions programmées.

Le montant du financement devra être au moins égal, par année, au montant de la contribution annuelle due au titre de ladite année (déductions comprises). À défaut, l’employeur versera le montant correspondant à la différence à l’Urssaf compétente.

Les sommes consacrées au financement des actions de sensibilisation des salariés de l’entreprise ou de pilotage et de suivi ne pourront excéder le quart du total des financements prévus par l’accord.

La partie la plus diligente transmet l’accord pour agrément à l’administration compétente (préfet pour un accord d’entreprise ou de groupe, ministre chargé de l’Emploi pour un accord de branche) au plus tard le 31 mars de la première année de mise en œuvre du programme.

L’application de l’accord devra faire l’objet d’un bilan annuel. Pour les accords d’entreprise ou de groupe, l’employeur présentera ce bilan au CSE ou au comité de groupe.

À titre transitoire, les accords agréés avant le 1er janvier 2020 continueront à produire leurs effets jusqu’à leur terme, mais ne pourront être renouvelés qu’une fois pour une durée maximale de trois ans, à l’exception des accords d’établissement qui ne pourront pas être renouvelés.

Le Calcul de la Contribution Financière pour Non-Respect

Dans le cas où une entreprise n’atteint pas le taux obligatoire d’emploi de travailleurs handicapés (i.e. 6%), cette dernière devra s’acquitter d’une contribution financière annuelle.

Cette contribution est calculée en fonction du nombre de bénéficiaires qui aurait dû être employé et de la taille de l'entreprise et les employeurs pourront, sous certaines conditions, déduire certaines dépenses de ladite contribution.

Le montant de la contribution est égal au produit du nombre de travailleurs handicapés bénéficiaires de l’obligation manquants (ci-après «le nombre A») par un montant fixe variant en fonction de la taille de l’entreprise[9].

Le nombre A résulte de l’écart entre le nombre de bénéficiaires de l’OETH théorique – calculé en faisant le produit de l’effectif d’assujettissement par le taux d’obligation d’emploi (6%)[10] – et le nombre de bénéficiaires de l’OETH employés[11].

Le montant fixe est déterminé en fonction de l’effectif d’assujettissement de l’entreprise, à savoir :

  • 400 fois le salaire horaire minimum de croissance brut pour les entreprises de 20 à 249 salariés
  • 500 fois le salaire horaire minimum de croissance brut pour les entreprises de 250 à 749 salariés
  • 600 fois le salaire horaire minimum de croissance brut pour les entreprises de 750 salariés et plus.

Le décret prévoit également de sanctionner les employeurs n’employant aucun travailleur handicapé pendant une période supérieure à trois ans en fixant le montant fixe à 1.500 fois le salaire horaire minimum de croissance, quel que soit le nombre de salariés employés[12].

L’employeur aura la possibilité de déduire deux types de dépenses de cette contribution:

  • Les dépenses supportées directement par l’entreprise afférentes à des contrats de fourniture, de sous-traitance ou de prestations de service qu’elle passe avec des bénéficiaires de l’OETH (le montant de cette déduction est limité à 30% du prix hors taxe des fournitures, travaux ou prestations figurant au contrat, duquel sont déduits les coûts des matières premières, des produits, des matériaux, de la sous-traitance, des consommations intermédiaires et des frais de vente et de commercialisation)[13]
  • Dans la limite de 10% du montant calculé de la contribution, les dépenses supportées directement par l’entreprise et destinées à favoriser les conditions de vie des bénéficiaires de l’OETH[14]

Contacts

Si vous avez des questions ou si vous souhaitez obtenir de plus amples renseignements sur les questions abordées dans ce LawFlash, veuillez communiquer avec l'un des avocats suivants de Morgan Lewis :

Paris
Charles Dauthier
Laetitia de Pelet



[1] Article L. 5213-2 du Code du travail dans sa rédaction à venir au 1er janvier 2020.

[2] Article L. 5212-3 du Code du travail dans sa rédaction à venir au 1er janvier 2020.

[3] Article L. 5212-6 du Code du travail dans sa rédaction à venir au 1er janvier 2020.

[4] Article L. 5214-1 du Code du travail dans sa rédaction à venir au 1er janvier 2020.

[5] Article L. 5212-9 alinéa 2 du Code du travail dans sa rédaction à venir au 1er janvier 2020.

[6] Article L. 5212-1 du Code du travail dans sa rédaction à venir au 20 janvier 2020.

[7] Article L. 5212-5 du Code du travail.

[8] Article D. 5212-3 du Code du travail dans sa rédaction à venir au 1er janvier 2020.

[9] Article D. 5212-20 du Code du travail dans sa rédaction à venir au 1er janvier 2020.

[10] Article D. 5212-2 du Code du travail dans sa rédaction à venir au 1er janvier 2020.

[11] Article D. 5212-3 du Code du travail dans sa rédaction à venir au 1er janvier 2020.

[12] Article D. 5212-21 du Code du travail dans sa rédaction à venir au 1er janvier 2020.

[13] Article D. 5212-22 du Code du travail dans sa rédaction à venir au 1er janvier 2020.

[14] Article D. 5212-23 du Code du travail dans sa rédaction à venir au 1er janvier 2020.